lundi 21 avril 2008

Macdo, place d'Italie, 13h

Aujourd'hui, un texte envoyé par un contributeur externe.

La scène se passe au Macdo de place d'Italie, vers 13 heures.
Je commande mon menu big-mac avec potatoes et coca et un sandwich royal cheese en plus et cherche une place.
Obligé de descendre au sous-sol, je ne vois même dans ce trou aucune place de libre.
Je demande donc l'autorisation à deux jeunes filles en train de discuter de m'asseoir à côté d'elles, et m'assure qu'elles n'ont rien contre les types en costard.
Je déballe mes sandwichs et commence à manger tranquillement. De quoi parlent les filles? De leurs mecs.
L'une d'elle balance:
"Ah mais moi, mon mec il est gonflé, t'imagines même pas. La dernière fois, on va chez son cousin, je pensais qu'il allait me présenter tu vois. On arrive là-bas, on entre et à partir de là, je n'existais plus pour lui. Il est allé directement checker les jeux de la playstation et a commencé à jouer sans se soucier de moi. Et là, il ont commencé à parler, à faire les coqs. Moi, je me suis assise sur les genoux de mon mec en faisant semblant de m'intéresser à ce qu'ils disaient. Un moment donné, son cousin a eu faim, il a demandé à sa copine d'aller faire à manger, en précisant qu'il kifferait du poulet bien braisé, pas comme la dernière fois.
Et là, tu sais quoi, mon mec qui me sort: "dis donc princesse, tu pourrais aller aider en cuisine, je ne sais pas si elle va s'en sortir toute seule". Alors que moi, tu vois, je pensais être l'invitée, je pensais qu'il allait faire attention à moi. Je l'aurais tué... Bon, je vais en cuisine, là, on inspecte la bouffe et vu ce qu'il y avait, on s'est dit qu'on allait faire des pâtes carbo. On demande aux deux lascars de descendre chercher de la crème et des lardons. Evidemment, ils remontent sans les lardons, on leur demande de redescendre et là mon mec me fait "si t'es une bonne cuisinière, tu dois pouvoir te débrouiller avec ce qu'il y a déjà." Bon, on leur fait des pâtes au thon à la place. Un moment donné, mon mec passe me voir et me dit : "ouah dis-donc, t'as comme du gras sur le front. Ca me fait penser qu'il faudra qu'on t'achète une hotte pour notre cuisine."
A ce moment là, le petit-copain et frère de féministe que je suis a failli s'étouffer de rire avec son big-mac.
"Nan mais t'imagines un peu comme il est gonflé, j'ai cru que je l'aurais tué."
- C'est clair. Ah non mais chez moi, ça se passe du tout comme ça. Quand il me fait des coups pareils, moi je réponds. Bon, ça l'énerve un peu mais je crois qu'à la longue, il comprend. Tu vois, ça fait déjà quatre ans qu'on est marié et on commence à avoir des discussions en ami tu vois. Du coup, je peux tout lui dire mais on s'aime moins. Bon, j'avoue aussi que souvent je fais semblant d'être d'accord avec lui, même s'il me dit que de la merde et que j'ai honte devant ses amis, je lui dis qu'il a trop raison et qu'il est trop intelligent. Tu vois, par exemple, quand il rentre du travail, lui il aime bien se coller devant la télé en attendant la bouffe. Mais moi, je lui demande tout le temps comment ça va, comment était sa journée, je lui demande de s'intéresser à moi. J'ai l'impression que ça le saoule. Ca me fait penser à Florie. Tu sais pas qui elle a vu au bar en bas de chez elle à 19h30: son mec. Quand elle lui a demandé ce qu'il foutait au bar alors qu'il était censé finir à 18h, il a répondu qu'il avait besoin de ce petit moment de tranquillité, pour décompresser, avant de rentrer à la maison, parce qu'elle parle trop. Maintenant, ils ont instauré ça: son mec passe du temps au bar, debout au comptoir, sans rien dire, avant de rentrer chez lui se faire gaver de blabla par sa meuf."
A partir de là, n'y tenant plus, je me suis adressé à elles en leur disant qu'elles m'avaient bien fait marrer, surtout avec le coup de la hotte. On blague un peu, je leur dis que tous les mecs ne sont pas comme ça non plus. On parle des problèmes de couple et de la question de la compréhension mutuelle. Là-dessus, elles déclarent, unanimes :
"Ah mais ce qui compte pour nous, c'est de sentir qu'on est comprise et que notre ressenti compte. Pour nous, le plus important, et elles
insistent que c'est plus important que le sexe et tout et tout, c'est de savoir que le mec est prêt à changer pour nous satisfaire. Il n'y a rien qui nous rend plus amoureuses que de voir que notre mec change, que d'un méchant lascar, il devient doux comme un agneau."
Là, je leur dis :
"Peut-être mais si jamais votre mec se laisse pousser des tresses et passe la serpillière à genou pour vous faire plaisir, je suis sûr que ça ne vous plaira pas."
Et elles répondent:
"Ah oui, c'est clair, il faut qu'il reste un peu macho quand-même. Si il se laisse faire complètement, ça n'a pas d'intérêt."
Fort de ces bons conseils, je suis retourné travailler dans mon bel open space, plein d'ingénieurs un peu débiles.

PAF

mercredi 16 avril 2008

Extrait de Harlem Quartet de James Baldwin

Je vis quelque chose se glisser sur le visage de Martha qui me rendit silencieux. Ma mère, sa mère, Julia - trois femmes au moins envahirent le visage de Martha, atterrées par la sanglante initiation de Julia à l'état de femme. Elles avaient les yeux fixés sur quelque chose que, peut-être, aucun homme ne pouvait voir. Par exemple, comme Martha l'avait dit, Joel fut vraiment une révélation - je n'aurais jamais utilisé ce mot : je ne savais pas lequel des sept sceaux avait été brisé pour elle. Joel choquait l'homme en moi, il me rendait malade de honte ; mais j'avais placé une si grande distance entre son état d'homme et le mien qu'il ne pouvait pas me menacer, il n'avait aucun pouvoir sur moi ; mais il n'en allait pas de même pour aucune femme. Je pouvais me dissocier de Joel. Elles ne pouvaient pas se dissocier de Julia. Il ne m'était pas difficile de me protéger contre le possible Joel en moi, d'effacer sa présence complètement. Mais, comme je le voyais maintenant, il n'était pas si facile pour Martha de supprimer de ses jours et de ses nuits le cordon qui la reliait à la vierge violée.

mercredi 2 avril 2008

C'est pas gagné

















Source : N. Bajos, M. Bozon, Enquête sur la sexualité en France, Paris, La Découverte, 2008.
Et sinon, l'image je l'ai volée ici.

lundi 31 mars 2008

Poupée gonflable

J'ai seize ans, lors des week-ends, je dors chez Grégory. Pour toute nourriture, nous nous contentons d’ingérer du thé infusé à l'herbe. Ses amis plus âgés lui rendent visite. Ils regardent des films pornos en fumant. Je comate à côté. Le matin, Grégory regarde avec dégoût les coulures de l'eye-liner autour de mes cils.

Je ne dis rien. Nos échanges verbaux sont très rares.

Nous sommes allongés sur le lit, il me dévisage : « plus tard, quand tu seras ma femme, je te voilerai ».

Il me demande : « est-ce que tu sais ce que ça veut dire “Te quiero” en espagnol?

- Je t'aime.

- Non, je te veux. »

J'acquiesce et le suis partout sans rien dire.

Nous marchons dans la rue, il s'arrête près d'une fenêtre. Il me regarde : «Donne moi une baffe.

- Non.

- Donne moi une baffe ».

Je lui envoie une légère petite claque symbolique. Il me retourne une gifle si forte que je me cogne la tête contre le volet. Nous déambulons à nouveau, sans dire un mot. Près de la gare, il me raconte : « l'autre jour, très tard, j'ai vu ici deux garçons qui faisaient des choses pas très jolies à une fille ». Devant cette scène, il n'a rien dit. Il a préféré partir pour ne pas avoir d'ennuis. Je me rappelle alors : dans ce coin, ma sœur a été agressée. Elle a échappé de justesse à un viol.


Nous participons à une fête organisée par l’un de ses copains plus âgés, Tonio Pessoa, au château de Martigné-Briand. Il y a Victor Pinto, un garçon qui a trente ans. Il fait de la sculpture et il fascine Grégory. Moi, il m'effraye. La cave permet d'entrer dans des troglodytes. Il y a notamment une petite salle difficile d'accès. Pour s'y rendre, il faut s'engager dans un passage rocheux, faisant de nombreuses circonvolutions, tout en se rétrécissant de plus en plus. Le jeu consiste à y aller pour se retrouver dans cette salle non éclairée. Tous les convives s'y introduisent. Quand ils en sortent, il disent : « Waouhou, c'est vraiment génial ».

Je refuse de les suivre. J'ai peur. Grégory y va avec Victor. Il insiste pour que je les accompagne. Mais je suis paralysée à l'idée de me retrouver là-dedans avec Victor. Quand ils sont à l'intérieur, je les entend crier. Ils réapparaissent. Grégory rit. Ils ont tous les deux du sang sur les mains, comme s'ils venaient de faire un serment en se tailladant les paumes.


A chaque fois que je m'accouple avec Grégory, j'ai une cystite pendant les trois jours suivants. Pour calmer ça, j'ingère du Rufol. Je me décide à aller voir un médecin afin de prendre la pilule. Cela tombe un jour où j'ai une infection urinaire. Je lui explique que je prends ce médicament, comme ça, quand mon clitoris me brûle. Le médecin se met en colère.


Grégory veut m'emmener à Amsterdam. Je me doute que c’est pour rapporter du shit à l'aide de mon vagin. Il me téléphone. Je vais chez lui. Comme d'habitude, nous passons notre temps à absorber des drogues. Je comate à la fin de la soirée. Grégory et sa bande mâtent un film porno.


Nous retrouvons ses copains portugais plus âgés au café. Je ne dis rien. Mais ce soir, Joé, un de mes copains, est là, dans un coin, à boire seul. Grégory délire. Il est déchiré et se lève pour danser en saccades. Il ne s'occupe pas de moi. Joé m'attire dans un coin pour me dire : « Il faut que t'arrêtes ça, Solène.

- Que j'arrête quoi ?

- Tout. Mais regarde, regarde-le… »

Il le désigne comme une évidence. L'évidence qu'il perd la raison.

« Écoute Solène, je le sais, tout le monde le sait qu'ils te font tourner.»

mardi 18 mars 2008

Il pique son prénom à un peintre et chante comme une casserole, mais ne s'arrête pas là

(Ce post est hors sujet, il s'adresse à tous les fans de cette espèce de sous-chanteur sirupeux de Raphaël, qui ne se satisfaisant pas de -je ne sais par quels moyens- faire produire sa dernière crotte par Toni Visconti, se débrouille pour ostensiblement piquer le nom de Notre Blog. Sachez, ô vous qui allez déferler par les grâces de Google par milliers, que nous n'avons rien à voir avec celui à qui nous devrions, c'est la moindre des choses, suspendre par la peau de ses fesses rebondies afin qu'il constatât qu'on ne peut à ce point manquer d'imagination sans souffrir quelques menus travers.)

mercredi 5 mars 2008

La masse

Parce qu’en plus (parce qu’en plus !), je voudrais être sexy, enfin sexy, pas trop moche. Je me cherche des noises. Mais de tout temps, et en dépit de mon bon sens ou à cause de lui, je n’ai jamais cru à ces discours, voyez-vous, aimez-vous telle que vous êtes, tu parles, ta vie sexuelle se réduit comme peau de chagrin si t’es laide, si t’es grosse, si t’es difforme ou naine, ta vie sexuelle, ok, et ta vie tout court, vous les connaissez les stats, non ? Vous les connaissez sans doute vous savez à quel point il est difficile d’obtenir un emploi pour une fille obèse aussi compétente soit-elle, disons qu’on ne prend pas le temps de les évaluer tes compétences si t’es obèse, t’es bonne pour filer sur 3615JAIMELESGROSCULS, de ton doctorat en biologie moléculaire tu peux te faire un poster si tu veux, que tu pourras accrocher dans la petite cabine du porno call center, si tu veux, puis, de toute façon, il est fort à parier que si t’as un doctorat en biologie moléculaire tu ne sois pas très très obèse, autrefois, le poids frappait de manière uniforme et juste toutes les classes sociales, aujourd’hui, aujourd’hui, les chances d’être grosse ET pauvre se sont multipliées, moi, qui voudrais être sexy, et qui fais donc du sport, je les vois les filles à la gym, j’ai un petit peu observé la question par quartiers, dans le mien, plutôt plus populaire que la banlieue chic versaillaise, des filles au gros cul il y en a beaucoup plus que dans le sixième, quels complexes pour une fille dans un quartier de riches, et que si les kilos, et que si les fringues, tu n’existes même pas dans un quartier de riches si tu n’es pas mince, blonde et mesure 1, 75 m. Alors le temps que vraiment tout le monde y croit à ce discours sur la beauté intérieure je serai morte et je préfère, de mon vivant, me faciliter la vie, quoique, je ne m’en sors pas, dans mon quartier populaire, c’est le contraire, si t’es pas trop moche et que tu avances à visage découvert, les mecs ne se privent pas de te gâcher la journée dès neuf heures du matin, et que si t’es bonne, et que s’ils te sauteraient bien dans la ruelle, ça me rentre par une oreille, me ressort par l’autre le plus souvent, sauf quand y en a un qui se met à me suivre, là, j’avoue, je ne suis pas fière, dans ma boîte, au contraire, au café les mecs murmurent lorsque j’ai le dos tourné, elle est bonne, je me la ferais bien ; si je ne fais pas gaffe, c’est le contraire, elle aurait pas pris trois kilos la mère Jill?, bref, j’essaye de ne pas être trop moche mais en réalité, ce que je préférerais, c’est qu’ils arrêtent un jour de faire les coqs, qu’ils la bouclent ou alors qu’ils regardent plutôt en direction de leur cul.

jeudi 21 février 2008

C'est pour ton bien

Je mets du temps à m’en rendre compte. Parce que c’est fait de façon très discrète, à peine perceptible. Mais le fait est que cela fait un mois que je suis ici, et que je ne suis encore jamais sortie seule dans la rue. Il y a toujours quelqu’un de la famille pour m’accompagner, il y a toujours un frère, une sœur, une mère, qui a pile une course à faire au moment où je décroche mon manteau pour aller faire un tour, comme ça tombe bien. Ce n’est pas pour me surveiller, bien sûr. C’est juste comme ça, pour être avec moi. Ou pour que je ne me perde pas. C’est très gentil. Ils sont très gentils d’ailleurs. Ils m’aiment beaucoup. Je suis comme leur fille. Ils m’accueillent sous leur toit, ils me font des cadeaux, ils me préparent des repas délicieux, et ils me chérissent comme leur fille. Mais. Le jour où, pour la première fois, je prends un rendez-vous pour boire un café en plein milieu de l’après-midi avec une copine autochtone, je commence à comprendre. La fille en question est la meilleure amie du fils de la famille, mais ce n’est pas une caution suffisante, on la trouve un peu légère. Pas très recommandable. Vulgaire. Et célibataire. Or sur le boulevard, il y a tant de garçons à l’affût des filles seules, je ne peux pas me rendre compte, moi, en France les hommes sont différents, mais ici, ce sont des prédateurs. Des rapaces. Il faut s’en méfier. Donc non, je ne dois pas y aller. J’ai vingt ans, je suis adulte, en France j’habite seule et je suis libre de mes allées et venues. Oui mais la France, c’est bien autre chose, je ne peux pas comprendre. Ils savent, eux, mais pas moi. C’est pour mon bien. Pour me protéger. Parce qu’ils m’aiment. Comme leur fille. Et parce qu’ils m’aiment et que je les aime aussi, je n’ai pas le cran de prendre ma valise et de claquer la porte, je n’ai pas le cran de dire ce que je pense, je les blesserai trop, ce serait terrible. Alors juste, je rentre ma colère en moi et je pleure sur l’injustice du monde. Après tout, il y a pire que ne pas avoir le droit d’aller boire un café sur un boulevard, de quoi je me plains.