lundi 28 janvier 2008

Veuve éplorée

Le 26 octobre 2007, Sarah Khan a écrit :

"Je suis Sarah Khan du Koweït. Je me suis mariée avec Xaneb Khan qui a travaillé avec l'ambassadeur de Koweït en Côte d'Ivoire pendant neuf ans avant son décès en 2000. Nous commes resté mariés pendant onze ans sans aucun enfant. Il est mort après une courte maladie de seulement quatre jours. Quelques semaines avant sa mort, nous sommes devenues chrétiens ; nous sommes nés de nouveau en christ. Depuis sa mort j'ai décidé de ne pas me remarier ni d'adopter aucun enfant venant de l'extérieur vue que je suis seule. (souligné par moi)

Quand mon défunt mari était en vie, il a laissé une somme de 7.6 Millions$ dans une banque en République du Bénin. Actuellement, je suis hospitalisée et je suis sous traitement de cancer de l' oesophage. (...) Il me reste peu près 2 mois à vivre encore.

Vous savez, lorsque les medecins m'ont annoncé la nouvelle, je me suis posée une question; je n'ai pas d'enfant et il faut que je pense à laisser ses 7.6 Millions$ à quelqu'un alors que mes proches n'attendent que mon décès pour en profiter. (....) J'ai décidé d'utiliser les 7.6 Millions$ que mon mari a laissé à l'endroit d'une oeuvre humanitaire. Et puisque je ne peux pas le faire toute seule, j'ai décidé de vous parler de ce don que je veux faire. (...) Je vous présenterai à mon avocat dès votre réponse afin que tout commence normalement en votre nom étant bénéficiaire des 7.6 Millions $. (...) Assurez-moi s'il vous plaît que vous agirez en conséquent étant donné que ceci est mon dernier voeux vue mon état actuel. Je suis dans l' espoir de recevoir de vos nouvelles dès réception de mon mail. Merci de vite me répondre.

Mme Sarah Khan.


Le 19 janvier 2008, Alexe Popova a écrit :

Madame,

Je vous réponds avec un grand retard car vous m'écrivîtes à une adresse que je n'utilise pas souvent. J'espère donc que vous n'êtes pas encore morte et que mon courrier vous trouvera en excellente forme. En ce qui concerne votre affaire, si je puis me permettre une petite remarque, je trouve fort dommage que vous ayez décidé de ne pas vous remarier après la mort de votre mari, ni d'avoir d'enfants. En effet, rien dans les Évangiles ne justifie de faire courir l'indissolubilité du lien matrimonial par-delà la mort, et seul Tertullien, théologien isolé du IIe siècle après Jésus-Christ, défendit cette thèse erronée. Au contraire, notre sainte Église catholique romaine encouragea toujours le remariage des veufs et des veuves, car comme dit Saint Paul, il vaut mieux se marier que brûler. Par ailleurs, je ne crois pas que votre mari eût souhaité que vous vécussiez dans l'ombre de sa mort, drapée dans le linceul noir du deuil éternel. Ne vous condamnez donc pas à n'être qu'une veuve éplorée pour le restant de vos jours ! Vous avez le droit d'être autre chose qu'une femme enchaînée au destin d'un homme qui n'est plus ! Vous valez tellement plus ! Existez par vous-même, vous êtes un individu à part entière ! Et, s'il ne vous reste que peu de jours à vivre, eh bien profitez ! Prenez des amants, partez en voyage, offrez-vous des cadeaux, achetez-vous un vibromasseur, et remariez-vous autant de fois que cela vous chante !

En espérant que mes paroles pénétreront votre coeur aussi sûrement que le couteau d'Abraham la gorge du bélier sacrifié en lieu et place d'Isaac, je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Votre dévouée : Alexe Popova.

NB : à ce jour, 28 janvier 2008, aucune nouvelle de Sarah Khan.

lundi 21 janvier 2008

Mon lapin magique

D'abord, je l'ai regardé à la dérobée. Je le trouvais trop gros, trop voyant. Un cadeau pour me faire plaisir, oui d'accord pourquoi pas chéri si tu insistes je veux bien, mais je préférerais un petit truc discret, si possible. Quelque chose d'un peu classe. Et de mignon. Un truc de fille, en somme. Parce que ce gros machin, là, il a vraiment une forme de, enfin je veux dire, on ne peut pas faire plus clair, c'est très très explicite, on dirait vraiment, mais alors vraiment une bite, tu vois ? Oui, je sais que pour un vibromasseur, c'est normal, mais euh justement, je ne sais pas, on ne pourrait pas sortir de ce sex shop maintenant ?

Mais décidément pas très discrète, le rouge de mon teint contrastait assez fort avec ma couleur de cheveux, je me suis faite coincer par un vendeur, la fuite n’était plus possible. Aussi ai-je tâché, pas très glorieuse, de feindre un intérêt détendu pour l’objet, oui Monsieur je suis parfaitement à l’aise moi quand vous me parlez de mon point G je vous assure, je suis une femme libérée c’est bien pour ça que je suis là, enfin voyons, et non je ne suis pas française pas du tout, you’re wrong I’m from the South of Australia une province très reculée, yes I know my french is amazing, it’s because of the francophone koalas I met in the forest, so I don’t live in your country and we’ll never meet again, OK ??

Et pour rester cohérente, j’ai bien été obligée de l’examiner de plus près. J’ai lu la notice au dos, les sept vitesses, l'histoire des perles qui tournent et surtout du petit bras en plus (les oreilles du lapin, en fait) pour le clitoris. Le vendeur déclara, comme on énonce un lieu commun, il n'y a pas grande différence entre les modèles vous savez, what is important for the ladies it’s the stimulation of the clit, c’est l’orgasme assuré à tous les coups. Ah bon. AH BON ?? avais-je envie de hurler, je suis bien d’accord et j’applaudis, mais pourquoi n’ai-je pas entendu ça plus souvent, pourquoi n’y a-t-il pas des pancartes dans la rue des affiches dans les écoles des annonces à la radio des clips sur internet pour dire, mesdames et messieurs, fuck off les théories freudiennes ne vous acharnez pas avec la seule pénétration vaginale, et pensez clitoris, tout simplement ? 

Au final, je me suis décidée à le ramener chez moi, et même très audacieuse à acheter des piles pour aller avec. J’ai mis un peu de temps à apprendre à m'en servir, il y a des tas de touches aux effets imprévus et pas mal de lumière qui clignote, c'est assez déstabilisant au départ ce côté camion de pompiers qui vibre sous la couette, mais au bout du compte, comment dire, et bien ça fonctionne plutôt très bien. C’est même d’une efficacité redoutable, dois-je dire. Alors évidemment, j’ignore si ça marche pour tout le monde, j’en ai quelque idée cependant rien n’est assuré dans ce domaine vu que c’est un sujet assez peu abordé dans les conversations mondaines, et puis de toute façon je désire plus que tout éviter de balancer ici des injonctions à jouir, c’est déjà assez compliqué comme cela je trouve, mais bon, quand même, je veux que vous sachiez, si ce n'est pas déjà le cas, que ce truc existe, et que, rendons grâce à la technologie qui depuis la machine à laver est l’alliée objective de la femme moderne des sociétés capitalistes, il vaut la peine d’être essayé.

mardi 15 janvier 2008

Baise et procréation (2)

Seule la femme doit véritablement avoir le pouvoir de dire si oui ou non elle décide de poursuivre la grossesse. Vous me direz que c'est un droit acquis. Mais dans les faits, c'est tellement différent. Le nombre de femmes qui avortent sous l'influence d'un sale con alors qu'elles ne le souhaitent pas. L'homme devrait être obligé d'assumer avec elle, quelque soit la décision de la femme. S'il n'en est pas capable, on devrait le stériliser chimiquement, comme les piqûres qu'on injecte tous les mois à certaines femmes handicapées pour qu'elles ne tombent pas enceintes. Le mâle devrait être totalement interdit de tenter d'influencer ou de guider sa partenaire dans sa décision. Jamais je ne suggérerai à un mec non malade de se faire opérer ou de prendre des médicaments qui risquent de le mettre dans un sale état. Alors pourquoi le feraient-ils ? Pourquoi pourraient-ils oser un instant essayer d'orienter une femme vers un avortement. Ils doivent juste fermer leur gueule et assumer l'acte sexuel jusqu'au bout. Et attention, pas de « t'as qu'à prendre la pilule du lendemain, c'est pas grave » quand la capote craque. Si ! C'est grave ! C'est moi qui vais dégueuler, qui risque de devenir stérile à cause d'un crétin qui ne sait toujours pas utiliser correctement les préservatifs où qui maîtrise le coïtus interruptus aussi bien qu'un puceau.

dimanche 13 janvier 2008

Essai sur la différence entre les sexes

Et si au fond nous décidions d’être de véritables chieuses ? Et si nous nous permettions, mesdames, parfois, d’être chiantes, très chiantes, de faire dans l’obtus : excusez-moi, pas compris. Et si nous décidions de nous exposer sans pudeur, montrer nos fesses en rigoler doucement, tant de temps après la force de nos fesses, pensez-vous bien, nos fesses, et notre cerveau.
S’ils ne cèdent pas pourquoi céderions-nous d’abord ? Sombrons avec violence dans les pires travers. Assumons qu’il est parfaitement normal d’être jalouse et de vouloir être libre en même temps. Ou le contraire. Pleurnichons, traînons-nous à leurs pieds, contredisons-nous le plus souvent possible, défions toute logique, couchons avec leurs meilleurs amis parce que nos hormones, voyez-vous. Ne répondons pas à leurs sms à la con, bonjour pupuce, comment vas-tu ? Abreuvons-les à l’inverse de messages au pire moment. Décidons qu’il est parfaitement normal d’avoir peur qu’on les mette à terre avec notre tête et notre cerveau. Il est vrai, nous le pouvons.

Puis partons ou déclarons la guerre ou composons même avec la situation, dansons, dansons, échappons, laissons parler, ou lançons une opération commando, une crevaison de pneus en règle, une pendaison, un emmerdement suprême dans les dents, un long gémissement, interminable et strident.

Soyons inabordables, hystériques, putes, soyons putes puisque danger nous sommes, soyons –le vraiment, cassons, trompons, mentons, feignons l’amour dans l’indifférence, l’intérêt dans l’indifférence, la compassion dans l’indifférence, la lamentation dans la nuit et les pleurs à la porte, traversons un continent. Ecrivons de poèmes de rupture à l’occasion.

Nous pouvons aussi sur un tapis d’écume traverser cette mer, nous évanouir dans un nuage de brume transparent. Lutter pour la compréhension entre les peuples, nous le voulons bien, mais arrêtons d’y arriver les premières.

lundi 7 janvier 2008

Simple déformation professionnelle

Le pire, c'est qu'ils ont dû le faire sans y penser. Sans même se poser la question. Sans même s’interroger sur le sens que cela pouvait avoir. C’est que lorsqu’on est un hebdomadaire aussi soucieux du bien-être visuel de ses lecteurs que le Nouvel Observateur, on a des réflexes professionnels. On évite d'incommoder les yeux des gens. On fait attention à publier des photographies agréables à regarder. On prend garde à ne pas polluer les étals des maisons de presse avec des corps de femme disgracieux.

Du coup, quand on a entre les mains un cliché de Simone de Beauvoir en date de 1952 (elle a donc 44 ans), où elle figure nue et de dos dans une salle de bains nord-américaine, eh bien on retouche. Allègrement, à en croire la démonstration P. de Jonckheere. Ainsi, non seulement on crée une ambiance plus luxueuse que l’original, mais surtout, on gomme, on lisse, on fabrique du beau standardisé à coup de photoshop, en éjectant rides, petits boutons et culotte de cheval. En un mot, on corrige les défauts physiques. Ou ce qu'on perçoit comme tel. Parce que pour aller avec le titre "la scandaleuse", il fallait un popotin appétissant, sinon comment expliquer que la dame ait pu être désirable et désirée ? Parce qu'étant donné qu'elle n'a pas eu recours à la chirurgie esthétique (la pauvre), mieux vaut tard que jamais, on rattrape le coup pour elle, maintenant qu'elle est morte et que personne n'est là pour défendre son image. Parce que dans le monde des fesses parfaites où nous traînons nos fesses imparfaites, c’est le strict minimum, pour un magazine, que de fournir à son public un cul impeccable en couverture. Sans quoi il y aurait dissonance cognitive chez la ménagère de moins de cinquante ans, vous comprenez. Elle serait soudainement toute perturbée d'avoir sous le nez une paire de fesses normales. Elle risquerait même, imaginez un peu, d'en conclure que son cul à elle, il est finalement très bien comme ça. Et cela, ce n'est pas le but d'un journal. Mais alors pas du tout. Et peu importe si celui-là faisait justement mine, cette semaine, de s'intéresser à une grande figure du féminisme.

Réactions, ailleurs :

- Lignes de fuites, très juste billet d'humeur. 
- Désordres, sur les retouches et le reste.
- François Bon, grâce à qui j'ai découvert l'histoire.
- Marianne, sur la différence entre l'affiche et la couv.
- Zgur, sur les incohérences du Nouvel Obs (Beauvoir/Manaudou).
- Le Monde, sur la réaction de l'asso "Choisir la cause des femmes".
- Le chasse-clou, qui parle aussi du contenu des articles. 
- Politikart, qui aime bien la photo. 
- Et enfin Justice au singulier, qui pense un peu pareil que Politikart, mais en moins clair.

PS : Comme j'ai un bon fond, je rends à Cléopâtre ce qui est à Cléopâtre et je rappelle que c'est le Nouvel Obs qui publia, en 1971, le Manifeste des 343 salopes.